Guillaume
Apollinaire
Poème
sans titre
La
nuit descend comme une fumée rabattue Je suis triste ce soir que le froid sec rend triste Les soldats chantent encore avant de remonter Et tels qui vont mourir demain chantent ainsi que des enfants D'autres, l'air sérieux, épluchent des salades J'attends de nouveaux poux et de neuves alertes J'espère tout le courage qu'il faut pour faire son devoir J'attends la banquette de tir J'attends le quart nocturne J'attends que monte en moi la simplicité de mes grenadiers J'attends le grog à la gnole Qui nous réchauffe Dans les tranchées La nuit descend comme une fumée rabattue Les lièvres et les hases bouquinent dans les guérets |
0n sait qu'Apollinaire,
sous-lieutenant dans l'infanterie, fut frappé à la tempe par un éclat d'obus
en mars 1916 et dut être trépané deux fois. Il mourut de la grippe,
dite espagnole, en novembre 1918.
La nuit d'avril 1915
À L. de C.-C.
Le ciel est étoilé par les obus des Boches La forêt merveilleuse où je vis donne un bal La mitrailleuse joue un air à triples-croches Mais avez-vous le mot Eh ! oui le mot fatal Aux créneaux Aux créneaux Laissez là les pioches Comme un astre éperdu qui cherche ses saisons Cœur obus éclaté tu sifflais ta romance Et tes mille soleils ont vidé les caissons Que les dieux de mes yeux remplissent en silence Nous vous aimons ô vie et nous vous agaçons Les obus miaulaient un amour à mourir Un amour qui se meurt est plus doux que les autres Ton souffle nage au fleuve où le sang va tarir Les obus miaulaient Entends chanter les nôtres Pourpre amour salué par ceux qui vont périr Le printemps tout mouillé la veilleuse l'attaque Il pleut mon âme il pleut mais il pleut des yeux morts Ulysse que de jours pour rentrer dans Ithaque Couche-toi sur la paille et songe un beau remords Qui pur effet de l'art soit aphrodisiaque Mais orgues aux fétus de la paille où tu dors L'hymne de l'avenir est paradisiaque |
Gil Vidal
14-18 et un Noël
!
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